Aujourd'hui nous fêtons la dédicace, l'inauguration, de la basilique du
Latran en 324. Appelée "Mère de toutes les églises", elle l'est
véritablement, dans le sens où c'est le premier lieu officiel, visible, public,
et adapté à la liturgie, dont ont disposé les chrétiens. Jusque là, en effet,
le christianisme était une religion interdite, persécutée avec plus ou moins
d'intensité depuis ses origines. L'empereur Constantin, par l'édit de Milan de
313, permet à chacun d'adorer qui il veut, et donc aux chrétiens de pratiquer
leur foi au grand jour. La construction de la basilique du Latran en 320 est la
manifestation extérieure de cet "édit de tolérance" : puisque les
chrétiens sont désormais légitimes, il faut leur donner un lieu de culte
public, c'est la mentalité romaine.
Bien.
Mais la première messe ne date pas de 324. Depuis toujours, les
chrétiens se réunissent, non pas dans les catacombes, contrairement à l'idée
reçue, mais dans les maisons des uns et des autres, comme on le refera par la
suite dans les pays où le christianisme sera de nouveau persécuté. C'est
d'ailleurs ces réunions qui font qu'on se reconnait chrétien, au-delà du
baptême : l'assiduité à participer au partage du pain et du vin, et de la
parole de Dieu, est ce qui constitue l'Eglise primitive. Et pas besoin d'un bâtiment
en pierre pour cela : la première communauté chrétienne a fortement conscience
du fait que l'Eglise, c'est eux, ce sont les personnes qui la constituent, ce
n'est ni un lieu ni une bâtisse. Ils sont les pierres vivantes de l'édifice
spirituel dont le Christ est la pierre angulaire. D'ailleurs,
"Eglise", "Ecclesia", signifie "communauté", et
non pas "bâtiment au milieu du village".
Est-ce que l'Eglise a gagné à avoir des édifices publics pour exercer
son culte au su et au vu de tous ? Oui, indéniablement, dans le sens où cette
visibilité a permis l'évangélisation au grand jour de toute l'humanité.
Est-ce qu'elle y a perdu quelque chose ? Ah. Eh bien... Oui aussi, dans
le sens où, aujourd'hui au moins, beaucoup de chrétiens délèguent leur
appartenance à l'Eglise au bâtiment qui en porte le nom : ils pensent qu'ils
peuvent faire partie de l'Eglise sans jamais y mettre les pieds, il suffit
qu'elle soit là pour que tout aille pour le mieux.
Ça me fait de la peine, quand on vend une église pour en faire un
magasin de chaussures ou un restaurant. Toute église est ma maison, depuis ma
naissance, et n'importe où dans le monde, il suffit de rentrer dans une église
pour être chez soi, quand on est chrétien. Mais, d'un autre côté, qu'on
détruise ou qu'on vende des églises, peu m'importe : en effet, si elles sont
vides parce que les chrétiens les ont désertées, alors non seulement elles ne
servent à rien, mais elles deviennent un signe de honte : une église
abandonnée, c'est le rappel du manque d'amour de notre époque pour Dieu, de
l'indifférence envers notre foi, nos coutumes, notre religion, notre salut.
Indifférence pour le sacrifice du Christ, pour l'amour de notre communauté
chrétienne, pour le message de l'Evangile. Une église vide, c'est le signe
visible de l'abandon invisible de Dieu par son peuple.
Ce n'est pas facile à entendre et pourtant c'est la vérité.
Seigneur, augmente en nous la Foi et l'Amour : que ton peuple revienne
à Toi, qu'il retrouve la joie de la fête d'être réuni, dans ta maison, auprès
de Toi.