L'évangile du jour est toujours surprenant à cause de la mauvaise foi des pharisiens. Les pauvres sont le prototype de la personne religieuse bête et méchante, dont le monde croit que toutes les religions sont farcies. Ils assistent à l'exorcisme d'un possédé sourd-muet, ils constatent comme tout le monde que non seulement il est libéré du démon mais qu'il parle et qu'il entend et, devant ce miracle extraordinaire, tout ce qu'ils ont à dire, c'est une ineptie. J'ai déjà assisté à un exorcisme, et quelles que soient nos idées ou nos croyances, que l'on y croie ou pas, eh bien c'est impressionnant, et la libération est un moment de grande joie et de gratitude envers la puissance que la simple invocation du nom de Jésus suffit à libérer. Mais là non, rien, ils sont complètement bouchés. Oh, ça aussi, j'y ai déjà assisté. De parler avec des personnes obtues, têtues comme des mules, idéologues jusqu'à la bêtise, prêtes à nier l'évidence si elle ne correspond pas à leur idée de la vie. Ce n'est d'ailleurs pas une spécificité exclusive au monde religieux. On en trouve partout, dans toutes les professions, du pilier de bar au chef d'état, du trouffion moyen au général quatre étoiles, de l'inculte au docteur ès-tout. On en trouve aussi dans les religions, bien sûr mais, comme les poissons volants, ça existe mais ça ne constitue pas la majorité du genre, dirait Audiard. Non, par contre ça fait réfléchir. Il faut se méfier de soi-même si on ne veut pas se retrouver un jour, juste parce qu'on aime être têtu et de mauvaise foi, du côté des ennemis du Christ. Et encore, si ce n'étaient que des ennemis du Christ. Mais c'est que le troupeau que Dieu leur a confié n'est pas guidé vers lui comme il se devrait. Quand Jésus nous dit qu'il manque des bergers et des ouvriers pour la moisson, le problème n'est pas qu'il n'y ait pas assez de scribes ou de pharisiens à son époque, mais qu'ils ne font pas leur boulot, trop occupés à ne penser qu'à leurs intérêts personnels. Là aussi, c'est un appel à être vigilant. Quelle mission Dieu m'a-t-il confiée ? Quelle est ma vocation ? Quelles sont les facilités dont il m'a comblé, afin que je les mette au service de mes frères et soeurs, pour le bien commun ? Et qu'est-ce que j'en fais ? Est-ce que je ne m'en sers que pour mon intérêt personnel, pour abuser des simples, pour me distinguer, m'enrichir ou faire le malin ? Ou est-ce que j'en fais profiter tout le monde, avec le plus de générosité possible, humblement et discrètement ? C'est facile, de taper sur les pharisiens. Il faut dire qu'ils y mettent du leur. Mais c'est beaucoup plus difficile qu'il n'y parait de ne jamais rien faire qui nous fasse passer, même de façon fugace, pour l'un des leurs.