C'est tout de même curieux, l'évangile du jour. Les pharisiens (qui croient à la vie éternelle, à la résurrection et aux anges) et les sadducéens (qui ne croient à rien de tout cela) s'approchent de Jean le Baptiste pour l'écouter et recevoir le baptême de conversion, et il les envoie bouler. On dirait même qu'il est énervé de leur présence. Ah, mais c'est que Jean est un prophète, comme l'était Isaïe quand le Seigneur lui a donné ce message : "Va dire à ce peuple : écoutez bien, mais sans comprendre; regardez bien, mais sans reconnaître. Alourdis le coeur de ce peuple, rends-le dur d'oreille, aveugle ses yeux, de peur que ses yeux ne voient, que ses oreilles n'entendent, que son coeur ne comprenne, qu'il ne se convertisse et ne soit guéri" (Is 6, 9-10). Il y a là, vraiment, quelque chose de mystérieux. Dieu, son style, ça serait plutôt de chercher à convertir le peuple, envoyant inlassablement des prophètes, au long des âges, comme Jonas à Ninive. Il peut aussi détruire, certes, comme à Sodome et Gomorrhe, quand l'intégralité du peuple s'est détourné de l'obéissance à ses commandements et ne suit plus que ses voies endurcies. Mais il est toujours prêt à faire miséricorde. D'ailleurs ne dit-il pas lui-même : "Prendrais-je donc plaisir à la mort du méchant -oracle du Seigneur Dieu-, et non pas plutôt à ce qu'il se détourne de sa conduite et qu'il vive ?" (Ez 18, 23). Quelle mouche a donc piqué Jean Baptiste ? Est-ce la même qui faisait que Jonas ne voulait pas aller à Ninive ? "Ah ! Seigneur, je l'avais bien dit lorsque j'étais encore dans mon pays ! C'est pour cela que je m'étais d'abord enfui à Tarsis. Je savais bien que tu es un Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d'amour, renonçant au châtiment." Non, en réalité, ce qui se passe, c'est que Jean voit clair dans le jeu des pharisiens et des saduccéens. Ils veulent, comme toujours, accomplir un rite public qui montre comme ils sont proches de Dieu et obéissants, mais dans le fond de leur coeur, rien ne change, ils sont remplis de méchanceté, de cupidité, de malice et d'orgueil. Ils préfereront faire tuer Jésus que de le laisser prêcher une conversion qu'ils refusent. "Ce n'est pas en disant : "Seigneur, Seigneur !" qu'on entrera dans le royaume des Cieux, mais c'est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux", dira plus tard Jésus. N'obéissons pas à Dieu juste en surface, aux yeux du monde, mais dans le fond de notre coeur, en esprit et en vérité. Que ce qui manque aux pharisiens et aux saduccéens ne nous fasse pas défaut, sans quoi c'est pour rien que nous serions devenus chrétiens.