L'époque à laquelle nous vivons n'est pas très prompte à pardonner, c'est le moins que l'on puisse dire. Au contraire, dès que n'importe qui rapporte que quelqu'un a dit ou fait quelque chose qui nous scandalise, nous énerve ou nous déplait, bref produit en nous une réaction instinctive négative, on "cancel" l'accusé, on l'élimine de notre vie. Si c'est sur internet, on ne le suivra plus, et les plus agressifs feront connaître sur leurs réseaux sociaux qu'il faut que tout le monde fasse comme eux, parce qu'en plus d'être facilement irritables, nous aimons transmettre notre colère autour de nous, et on exige que tout le monde fasse comme nous. Peu importe la vérité, d'ailleurs. Peu importe l'histoire, qui peut toujours être "réinterprêtée". Peu importe la présomption d'innocence, peu importe la justice, peu importe la raison ou l'étude sérieuse des personnes que l'on condamne. On nous a dit telle ou telle chose scandaleuse, le moins que l'on puisse faire est bien de le croire sans discuter, et d'agir sans réfléchir. Tout à l'instinct, voilà ce qu'il faut faire aujourd'hui. Laisser nos tripes régner en maître sur notre cerveau. D'ailleurs, n'y a-t-il pas des neurones aussi dans notre ventre, mh ? Ah ben voilà, c'est la preuve qu'on a bien raison de faire comme ça, je l'ai lu sur internet. Alors, quand même, pour ceux que ça intéresserait, Jésus n'agit pas comme ça. Pas du tout, même. Il ne condamne personne à priori, ni à postériori, d'ailleurs. Il peut rencontrer une femme prise en flagrand délit d'adultère, un collecteur d'impôts, forcément voleur et vendu aux Romains, un chef de collecteurs d'impôts, même, un centurion de l'armée romaine, un chef de synagogue, un lépreux ou n'importe qui d'autre, il aura pour chacun le temps de les écouter, avec bienveillance, sans jamais juger aucun d'entre eux. Jésus ne "cancel" personne. Même pas le pécheur endurci. Il ne dit rien de mal contre Judas, alors qu'il sait qu'il est en train de le trahir. Il ne se venge pas après la triple trahison de Pierre. Il ne reproche pas aux apôtres de l'avoir tous abandonné la nuit de son arrestation. Il n'est pas venu pour nous juger, encore moins pour nous condamner. Il est venu nous sauver, en donnant sa vie pour que nous parvenions, derrière lui, à la résurrection. Enfin, derrière lui... Si nous agissons comme lui. Si nous ne jugeons pas. Si nous ne condamnons pas. Si nous avons, pour les pécheurs, la même miséricorde que la sienne.